Le 8 février 2023, le journaliste d’investigation Seymour Hersh, couronné du prix Pulitzer pour ses innombrables révélations et le sérieux de son travail depuis 60 ans, a publié un article accablant qui dévoile l’identité des responsables du sabotage des deux gazoducs Nord Stream 1 et 2. Après un travail minutieux d’investigation s’appuyant sur son exceptionnel réseau d’informateurs installés au cœur de l’Etat profond américain, il décrit par le menu, avec moults détails, toute l’opération.
Seymour Hersh révèle ainsi que la décision de faire sauter les deux gazoducs, vitaux pour l’industrie et l’économie allemande, a été prise dès le mois de décembre 2021 par le président des Etats-Unis et son équipe rapprochée qui comprenait son Secrétaire d’État (Antony Blinken), son conseiller à la Sécurité nationale (Jake Sullivan) ainsi que la sous-secrétaire d’État pour les Affaires politiques (Victoria Nuland). Notons au passage que la décision a été prise 2 mois avant le début du conflit ukrainien.
L’opération particulièrement complexe a été conçue de telle sorte que l’implication de Washington ne puisse pas être directement suspectée, car elle constitue en soi un acte de guerre caractérisé.
Après 9 mois de délibération, un stratagème diabolique a été échafaudé avec la participation active de la CIA, bien sûr, mais aussi de l’armée norvégienne. L’opération particulièrement complexe a été conçue de telle sorte que l’implication de Washington ne puisse pas être directement suspectée, car elle constitue en soi un acte de guerre caractérisé. On pourrait même qualifier cet acte d’attentat terroriste car il enfreint absolument toutes les règles du droit international ainsi que les principes mêmes de la constitution des Etats-Unis qui exigent que les opérations secrètes soient signalées au Congrès, ce qui en l’occurrence n’a pas été le cas.
Afin de brouiller les pistes, le sabotage procédait donc en deux étapes. En juin dernier, des plongeurs de la marine US, opérant sous le couvert d’un exercice de l’OTAN de mi-été largement médiatisé (connu sous le nom de BALTOPS 22) ont d’abord placé les explosifs qui ont ensuite été déclenchés à distance, trois mois plus tard, par une bouée sonar larguée par avion.
Alors que son économie est irrémédiablement ruinée à échéance de trois ans, aucune réaction de Berlin n’a été perceptible !
On s’attendait à ce que ces révélations fracassantes déclenchent non seulement un tollé médiatique mais aussi une crise diplomatique majeure faisant intervenir en premier chef la chancellerie allemande, directement visée par cet acte de guerre. Alors que son économie est irrémédiablement ruinée à échéance de trois ans, aucune réaction de Berlin n’a été perceptible. Pas même la convocation, pour la forme, de l’ambassadeur des Etats-Unis ! Quant aux médias, ils cèdent à l’âgisme – tant décriée récemment par Madona – en s’acharnant à rappeler que Seymour Hersh n’est qu’un vieillard de 85 ans qui n’a plus toute sa tête. Pourtant l’article est parfaitement documenté et mentionne distinctement les acteurs et interlocuteurs, les processus de décision et de mise en œuvre, les dates, les moyens technologiques employés… L’article est accablant de détails et de précisions.
L’Union européenne n’est-elle désormais plus qu’une colonie vouée à être sacrifiée sur l’autel de l’hégémonie américaine ?
Que faut-il penser de ce silence de cathédrale face un attentat qui signe l’arrêt de mort de l’économie allemande et, à travers elle, de toute l’économie européenne ? Des millions d’Européens vont subir dans leur quotidien les conséquences catastrophiques de ce sabotage et aucun dirigeant européen n’a jugé opportun de prendre la parole pour demander des comptes en leur nom. L’Union européenne n’est-elle plus désormais qu’une colonie vouée à être sacrifiée sur l’autel de l’hégémonie américaine ?