Commémorations du 11 Novembre : La couleur de l’uniforme en question

Cette semaine, les cérémonies du 11 novembre en Alsace-Moselle prennent récemment un tournant surprenant, en réintégrant dans la mémoire collective les soldats alsaciens-mosellans qui ont combattu sous l’uniforme allemand durant la Première Guerre mondiale. Dans une région marquée par l’histoire complexe de l’annexion, quelques maires et associations militent pour une commémoration plus fidèle à la réalité historique, réclamant la reconnaissance des sacrifices de tous les soldats, qu’ils aient combattu côté français ou allemand.

  • Le retour des « felgrau »

Les «feldgrau», ces soldats alsaciens qui ont servi dans l’armée allemande, font désormais leur retour au cœur des cérémonies de mémoire. Si longtemps oubliés, leurs sacrifices sont aujourd’hui aussi inclus dans quelques commémorations locales notamment à Quatzenheim.

Le soldat Johann Häussler du Württembergisches Reserve-Infanterie-Regiment Nr. 248, source wikimédia Bene16 CC BY-SA 3.0

Toutefois, la question de leur place dans l’histoire reste délicate. En effet, environ 380 000 Alsaciens-Mosellans ont combattu pour l’Allemagne. L’histoire de ces hommes, souvent négligée ou mise de côté, interpelle.

Les livres d’histoire n’ont pas toujours su rendre leur place aux soldats d’Alsace-Moselle qui ont combattu pendant la Première Guerre mondiale.

  • Une histoire marquée par l’annexion et la division culturelle

L’histoire de ces soldats ne peut se comprendre sans revenir à l’Empire allemand et à l’annexion de l’Alsace-Lorraine en 1871, qui a bouleversé notre région. A l’époque cette nouvelle entité administrative rassemblait une population hétérogène, tant linguistiquement que culturellement.

Les différences entre germanophones et francophones, entre catholiques et protestants, se sont exacerbées au fil du temps, particulièrement pendant la Première Guerre mondiale. C’est alors que se pose la question d’une identité alsacienne-lorraine partagée. Ce conflit d’identités est amplifié par la propagande française qui dépeint les Alsaciens-Lorrains comme des victimes d’un joug prussien, en attente de leur libération.

Pourtant, la réalité vécue par ces soldats, tiraillés entre deux cultures, est bien plus nuancée.

  • Les volontaires alsaciens : identité et soupçons

Au moment de la Première Guerre mondiale, l’engagement des volontaires alsaciens-lorrains dans l’armée française devient un acte symbolique fort. Une législation spéciale, portée par Albert Carré et validée par la loi du 5 août 1914, permet à ces soldats de revendiquer la nationalité française et de se battre sur le front occidental. Ces mesures, ainsi que la possibilité d’adopter un nom d’emprunt, leur offrent une forme de protection contre les potentielles représailles allemandes.

La perte des « deux provinces » VU par la France : Le Souvenir, statue à Nancy, source wikimédia Pierre Lescanne CC BY-SA 3.0

Cependant, leur intégration dans l’armée française n’est pas sans heurts. Ces soldats, souvent mal accueillis, sont parfois perçus avec méfiance par les français. La suspicion grandit, alimentée par des stéréotypes, et des soldats alsaciens sont même victimes de vexations et d’humiliations en raison de leur origine germanique.

En dépit de leur engagement, leur identité alsacienne-mosellane demeure un terrain de tension, entre le désir de reconnaissance et les difficultés d’intégration dans une société marquée par la guerre et la division et une propagande anti-allemande très marquée à cette époque.

Drapeau du Territoire impérial d’Alsace-Lorraine (Reichsland Elsaß-Lothringen), source wikimédia David Liuzzo
  • En conclusion : une mémoire en reconstruction

Aujourd’hui, ces soldats alsaciens, longtemps oubliés ou mal compris, reviennent dans la mémoire collective. Les commémorations du 11 novembre prennent une nouvelle dimension, en célébrant non seulement les sacrifices des soldats français, mais aussi ceux de ceux qui, dans des circonstances complexes, ont porté l’uniforme allemand.

Ce retour de la mémoire des « feldgrau » met en lumière une histoire encore partiellement occultée et soulève des questions sur la réconciliation des identités .

source image d’illustration : pixabay

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